Un point commun entre Louis Napoléon Mattei & Mr Hugo Sialelli ? Deux entrepreneurs avant-gardiste qui décline la fameuse “Economie du Gout “, concept de la grande maison de spiritueux Mattei.
Un échange avec Hugo Sialelli, Chef d’entreprise visionnaire pour le développement centenaire, réinventant le patrimoine industriel Corse
Chef d’entreprise avant-gardiste comme son fondateur. Racontez nous une anecdote d’entrepreneur ?
Je viens de l’univers des boissons et plus particulièrement celui de la bière fermentée. Je trouve exceptionnel la façon dont cette entreprise avait su révolutionner la manière de concevoir un produit et sa communication unique. Je trouve que la distillerie Mattei a toujours su en 150 ans , imposé un style qui lui était propre, et pour moi qui adore cette marque, c’est une manière de découvrir une nouvelle approche. L’avant-gardisme du fondateur sur la communication de marque et toujours avoir toujours un coup d’avance.
Louis Napoléon Mattei, entrepreneur Corse innovant ?
Le fondateur de la Distillerie Louis Napoléon Mattei était un avant-gardiste, très tôt dans sa vie d’entrepreneur il a décidé d’innover.
En effet à 23 ans, il créé ses premiers produits. LN Mattei avait a cœur de mettre le gout au centre de ses produits.
II invente le concept de ”Economie du Gout”. C’est à dire, utiliser de la matière première du territoire puis de la revaloriser.
C’est de ce concept que les produits de la distillerie Mattei sont nés.
Très vite, la distillerie lance “le Cap Corse” avec son amertume qui lui est propre, il deviendra le produit phare de la distillerie.
Ce qui est intéressant, c’est que plus d’une centaine d’années après, les équipes de la distillerie Mattei recréé cette “Economie du Gout”.
La marque Mattei et son célèbre Cap corse est reconnaissable grâce à la couleur rouge ?
Oui, le fondateur avait compris qu’avoir un bon produit c’est bien, mais il faut aller au delà “Quand on a bon produit il faut s’éclater ! Louis Napoléon Mattei avait vision de la stratégie de marque. Pour exemple , Cap Corse Mattei apparaissait dans un film de Marcel Pagnol. Il avait cette vision avant-gardiste de chef d’entreprise pour promouvoir le produit. C’est commun et anodin aujourd’hui mais innovant pour l’époque. De même, Il existe à la pointe du Cap Corse un moulin promotionnel. Il est au couleur de la distillerie, c’est la première chose que l’on voit quand on arrive en Corse.
L’île de Corse… J’ai quelque pressentiment qu’un jour cette petite île étonnera l’Europe” de Jean- Jacques Rousseau. La distillerie Mattei a donc toujours étonné en étant présente sur les 5 continents. Est ce toujours le cas aujourd’hui ?
La distillerie Mattei exportait dans le monde entier, en s’appuyant sur deux choses :
La première, est la vertu du produit qui était demandé de part le monde. – La deuxième était la promotion via la diaspora. A cette époque les Corses étaient présents partout dans le monde : Java, Point à Pitre, Dakar, Saigon. Mr Mattei faisait des réclames publicitaires là ou se trouvaient la communauté corse. En exemple cette magnifique photo d’une publicité à Saigon. Cette réclame datant de 1908, un jeune homme montrait un Cap Corse en disant : “Demandez un CapCorse”. Mr Mattei s’appuyait sur la force de la Diaspora. Je rejoins le fondateur car les régions à fortes identités se soutiennent partout où elles sont. Elles promeuvent les produits et la culture au delà des frontières.
Oui c’est toujours possible, mais un peu moins et cela pour plusieurs raisons :
Mattei est une marque très présente au début du 20ème siècle mais petit à petit les ventes se sont tassées ainsi que les exportations. A la grande époque, la distillerie comptait plus de 350 salariés. Il y a une dizaine d’année, on a eu l’opportunité de pouvoir s’associer avec la famille Venturini qui vient aussi du monde des spiritueux (spiritueux Mavéla). Ils avaient une connaissance parfaite de cet univers. Ensemble, on a essayé de redonner les lettres de noblesse à Mattei. Nous avons conservé le patrimoine emblématique de Mattei tout en créant de nouvelles recettes.
On a essayé de “remettre l’église au centre du village pour que Mattei redevienne Mattei”.
Nous travaillons à cette reconquête et nous reprenons notre place dans les plus belles adresses comme les bars à cocktails
Comment avez- vous pu avec la famille Venturini allier le concept Mattei de “l’économie du goût avec les standards d’aujourd’hui ?
Nous avons analysé le succès de Mattei à savoir : la qualité de son produit, ensuite comment communiquer sur la façon de servir un Mattei. Dans chacune de nos actions de communication, nous nous posons deux questions : Est ce que le marché a besoin d’un Mattei ? et qu’est ce qu’on apporte avec un Mattei sur le marché ?
La distillerie Mattei va beaucoup plus loin que la valorisation des produits et souhaite contribuer à la décarbonation. En quoi, en tant que chef d’entreprise c’est important d’être un moteur de l’industrialisation verte en Corse ?
Ce qui est intéressant quand on est chef d’entreprise, c’est de se poser la question de son horizon, “Quel est l’horizon de votre entreprise”. En général une entreprise essaye de se projeter à long terme, et pour y arriver il faut que votre entreprise soit durable. Si votre entreprise n’est pas durable , vous ne pouvez pas vous projeter à long terme. L’entreprise doit s’installer de façon durable dans son territoire et qu’elle soit vigilante autour d’elle . C’est mécanique
En corse il y a des problèmes d’eau. D’ailleurs , chaque territoire à des problématiques de ressources différentes. La notion de ressources est clef pour plusieurs raisons La première c’est la quantité disponible de ressource et la deuxième combien de temps on va avoir cette quantité de ressource.
Les récentes crises (Covid ou guerre en Ukraine) nous ont fait comprendre que l’énergie peu cher à profusion était un modèle déchu.
Pour une réindustrialisation verte, la clef est d’avoir des modèles de production qui sont le plus autonome possible et qui consomme le moins possible. Au sein de la distillerie Mattei, nous avons différent programme. Pour préserver au maximum la ressource d’eau, le plus important c’est d’être en circuit fermé sur l’eau et en consommer le moins d’eau possible. A la base le Cap Corse c’est du vin qui est muté puis stoppé la fermentation. On utilise de l’eau et du sucre pour ensuite réaliser un assemblage. Dans notre métier, nous utilisons de l’eau pour planter, pour réaliser, pour nettoyer. Alors, plus nous serons en circuit fermé mieux on s’inscrira dans la sauvegarde de notre territoire.
En ce qui concerne l’énergie nous avons passé des normes tels que ISO 14001 , ce qui permet le pilotage de dépenses énergétiques. Nous travaillons pour fabriquer un litre de cap corse en dépensant le moins d’énergie possible. Nous partons du postulat que l’énergie que nous n’arriverons pas à réduire devra être décarbonée.
En tant que chef d’entreprise de PME, quels sont vos conseils pour décarboner les activités industriels Corses ?
Il faut avoir de la lucidité dans ce qu’on fait. Avoir de la bienveillance vis à vis de soi même, ce qui permet d’être un peu indulgent. Certes le temps presse mais il faut mieux faire les choses par étapes. Les chefs d’entreprise notamment dans les pme, n’ont pas pléthores de ressources . Pour les PME le temps est précieux, gardons en tête que les entreprises n’ont pas des grands budgets pour ces questions. Il faut faire les choses mais il n’y a pas le choix que d’ être indulgent. Il faut de la méthode et à mon sens la notion de tempo est important.
Transformons la phrase de Napoléon, impossible n’est pas Français par impossible n’est pas Corse pour la distillerie Mattei. Vous avez d’ailleurs conçus un whisky, pourquoi le choix de cette boisson ?
Le whisky a conçu depuis plus de 20 ans, il se nomme PM. Il symbolise, l’alliance entre le mariage deux entreprises le P de Pietra et le M de Mavéla. La brasserie Pietra et Mavéla, deux expertises métiers et industrielles pour concevoir un whisky. Je viens du monde de la brasserie, je suis le fils des fondateurs de la brasserie Pietra et c’est vrai que le pont entre brasserie et distillerie est évident. On a fait ce pont pour créer le premier Whisky Corse le PM. C’est un très beau Whisky, on va utiliser le mou fermenté de la Pietra pour être distillé à la distillerie Mattei.
Aujourd’hui, nous avons toute une gamme PM Dans cette mouvance de l’économie du gout, nous avons été plus loin dans la démarche. L’année dernière est sortie un whisky de Maïs, 100 % Corse. Planté, récolté, brassé, fermenté et distillé en Corse . C’est un travail pendant 6 ans pour sortir un whisky de Maïs qui est assez rond et assez doux. Un beau produit qui vient d’agrandir la famille.
Nous avons reçu plusieurs distinctions, PM c’est une gamme assez large avec des 3 ans , 5 ans de vieillissement et un whisky de maïs. Nous avons gagné un concours à New York et obtenu une médaille d’or pendant le Whisky live de Paris.
Nous sommes très contents des retour du public et des experts sur le produit PM. C‘est une marque qui a aujourd’hui 20 ans, et que nous avons souhaité relancer avec le whisky de mais, l’accueil est vraiment super.
Une question que l’on pose concernant nos trois territoires : Corse, Bretagne et Pays Basque : En quoi la Distillerie Mattei casse la carte postale?
Il faut être honnête dans ce qu’on fait et dans la démarche, l’objectif est à mon sens de faire de bon produit en valorisant la culture Corse et en essayant d’exporter un maximum de ce que l’on sait faire en Corse.
Pour vous la Corse, Le Pays Basque et la Bretagne s’assemble se ressemble ou se divise ?
Chaque fois, que je vais au Pays Basque ou en Bretagne, l’accueil est les plus chaleureux. Le fait de dire qu’on est Corse ca suffit et évidemment ca s ‘assemble et ca se ressemble.
Nous avons des contraintes similaires, nous sommes des territoires avec des zones assez isolées, et parfois l’accès n’est pas simple.
C’est un dénominateur commun , mai aussi une culture très forte
C’est aussi un ancrage culturel à travers la langue, ce qui est une force. Je pense que la fierté d’un territoire et des gens qui y vivent, c’est cette volonté de démontrer et partager ses valeurs et de le faire de manière positive, c’est aussi ce qui anime Corse, Breton et Basque
Propos recueillis par Maud SEVELLEC-LELLIG (Enseignante en management et en commerce – Chef d’entreprise (Co-fondatrice de Sperienzha & Océagora)